Deux ans comme commissaire-artiste en résidence au Lobe. Mains vides, mais entre les dents parce que pirate, du « Trop de réalité ». L'appel de dossiers vient de se terminer avec une participation qui a des idées de grandeur... Signe de désœuvrement général? Je ne suis pas seul à attendre une bonne journée pour sortir. Allons-y!
S'enchaîne, dès février : résidences, expositions, présentations, événements, performances, films, publications, cachettes, et je-ne-sais-pas-encore-quoi. On passera notre temps à s'enfermer pour se réapprovisionner en obscurité, couver des secrets ou les échapper, s'écouter obsessionnellement, fomenter des polygraphies, se cacher derrière des pages Wikipédia pour lancer des roches où on le pourra. Retour aux sources.
La résidence me servira aussi d'auto-maîtrise ès arts (depuis le temps que j'en rêve), et en ce sens elle a déjà commencé à me brasser. Si, comme j'en suis moi aussi convaincu, « L'habitus universitaire consiste à se laisser dominer »2; « Les universitaires sont les meilleurs agents de la société qu'ils prétendent critiquer. »3; si, « au fond, est maître tout ce qui nous provoque, et aussi éventuellement tout ce qui vous souffle des réponses par rapport à la provocation »4, je pense avoir trouvé une sacrée bonne trail vers l'école-vie.
En lisant des textes de propositions imprimés à la va-vite (souvent sans nom d'artiste), mais lus lentement, j'ai l'impression que c'est ma pensée qui me revient. Différente, pas seule. Et quand un nom se présente, j'en vient à me dire que c'est juste une de mes personnalités multiples. Ça donne le goût de les laisser prendre toute la place. Car « Lorsque l'on se confronte à cette peur qui se tapit derrière les alternatives indépassables (les grandes disjonctions entre Lumière et Obscurité), il vaut mieux ne pas être seul. »5
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1 Un.e participant.e à l'appel de dossiers « Trop de réalité ».
2 Alain Deneault, La médiocratie, Lux Éditeur, 2015, p.30
3 Annie Le Brun, Du trop de réalité, Gallimard, 2004, p. 133
4 Jacques Rancière, cité par Alain Deneault dans La médiocratie, Lux Éditeur, 2015, p.71
5 Isabelle Stengers dans la postface de Rêver l'obscur - Femmes, magie et politique., Editions Cambourakis, p. 367-368, citée par un.e participant.e à l'appel de dossiers « Trop de réalité ».
ÉVÉNEMENT : Résidence d'artiste-commissaire au Lobe, Chicoutimi
LIEU : Le Lobe, 114, Bossé, Chicoutimi
DATE : 2017-2019